6 novembre 2009
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22:51
Visiter un tel musée est toujours une démarche particulière. Dans le cas présent, il s'agit de préparer un atelier musical qui aura lieu au mois de novembre à Hamburg, du 22 au 27 novembre avec une présentation publique du résultat le dernier jour à Hamburg avec des jeunes français et allemands (link http://www.klangwerktage.de/programm/237.php) et une autre le 1er décembre à L'Unesco à Paris.
VOID
Il y a un paradoxe à vouloir rendre compte de l'absence, du vide par la musique. Le son est par essence un indicateur de la vie. Ce qui vie bouge, ce qui bouge fait du bruit !
Dans le projet Void de l'architecte Daniel Libeskind, même le vide le plus vide n'est pas silencieux. On entend des sons au lointain de la vie du dehors. Et pour le visiteur qui accepte et supporte de demeurer un certain temps dans cet espace, de le capter, de s'en imprégner, il y a soudain la surprise de constater que la lumière, si faible parfois peut-être fulgurante par moment, que le silence perçu à l'entrée est très réverbéré, comme amplifié, et le moindre mouvement prend une ampleur insoupçonnée. Soudain, on se surprend à vouloir expérimenter d'autres sensations.
Les visiteurs sont souvent très bruyants lorsqu'ils rentrent dans le lieu, puis se calment, ne bougent plus, chuchotent, murmurent, parlent et marchent parfois jusqu'au moindre recoin, puis le signal de la sortie est presque toujours donné par un visiteur pressé d'en finir qui entraîne dans son sillage le reste du groupe.
La vie reprend le dessus malgré la sensation première du vide dans lequel on pourrait demeurer. Ce vide laisse clairement la place à la méditation, à l'activité et donc à la renaissance et à la vie.
L'autre expérience du vide très différente est celle de Schelechet (Gefallenes Laub) de l'artiste Menashe Kadishman. Il s'agit de marcher sur des "feuilles mortes" en fonte représentant des milliers de visages. C'est une épreuve qui semble insurmontable. Le trouble est permanent. On se sent totalement outré. Le bruit est retentissant. Et progressivement, on se calme, on écoute, et on essaye d'imaginer que le son de ses faces de fonte peut sonner autrement. On cherche à sublimer son désarroi et on entend une musicalité possible, on cherche à vivre, sans jamais oublier ce qui semble impossible ici le passé auquel nous renvoient tous ces visages, on cherche à sur-vivre cette réalité terrifiante et le son nous réveille et nous rappelle à la fragilité de la vie, mais à sa nécessité.
Le jardin des exils est déstabilisant, il donne le vertige, mais on y croise d'autres que soi. Métaphore des difficultés, il fonctionne à l'excès si l'on n'en sort pas. Sa proximité de l'espace urbain hors musée rappelle qu'il faut aussi savoir en sortir. Nos engagements et nos choix peuvent seuls nous permettre de ne pas devenir fous. Le changement constant de place, de sonorité de la ville à côté, la déambulation presque forcée, tout nous épuise. Il faut savoir se fixer, s'arrêter, redresser la tête, regarder devant soi et soudain, on se trouve yeux dans les yeux avec un autre. Et on le découvre ! Certes, les circonstances d'une époque ou d'un lieu peuvent empêcher tout enracinement, mais les oliviers et la lumière jaillissant du haut des stèles nous invitent à nous battre pour croire à la vie.
Le musée juif de Berlin est un lieu à part. Certes, il témoigne des horreurs du passé, mais il ne laisse pas le visiteur effondré. Par les nombreuses expériences concrètes de situations laissant la part à chacun pour sa propre méditation, son propre cheminement, il est un espace de renaissance où chacun s'interroge sur sa propre place et sur son engagement dans la vie.
Le projet musical que nous allons mener avec les jeunes lycéens n'est pas strictement et exclusivement relié à l'holocauste, dont ils ne peuvent à leurs âges pas rendre compte directement. Il y sera question de la part du vide, de l'absence dans leurs vie respectives en lien avec un événement particulièrement important de leur propre vie auquel ils ne peuvent pas se soustraire. Nous verrons avec eux comment la musique peut contribuer à l'expression de ces émotions. Il s'agit de leur faire composer une pièce musicale dans laquelle la densité la plus forte correspondant aux émotions qui nous submergent peut laisser la place à l'évanescence," le presque rien", le vide au sens d'une forme de plénitude et surtout pas de rien du tout.
VOID
Il y a un paradoxe à vouloir rendre compte de l'absence, du vide par la musique. Le son est par essence un indicateur de la vie. Ce qui vie bouge, ce qui bouge fait du bruit !
Dans le projet Void de l'architecte Daniel Libeskind, même le vide le plus vide n'est pas silencieux. On entend des sons au lointain de la vie du dehors. Et pour le visiteur qui accepte et supporte de demeurer un certain temps dans cet espace, de le capter, de s'en imprégner, il y a soudain la surprise de constater que la lumière, si faible parfois peut-être fulgurante par moment, que le silence perçu à l'entrée est très réverbéré, comme amplifié, et le moindre mouvement prend une ampleur insoupçonnée. Soudain, on se surprend à vouloir expérimenter d'autres sensations.
Les visiteurs sont souvent très bruyants lorsqu'ils rentrent dans le lieu, puis se calment, ne bougent plus, chuchotent, murmurent, parlent et marchent parfois jusqu'au moindre recoin, puis le signal de la sortie est presque toujours donné par un visiteur pressé d'en finir qui entraîne dans son sillage le reste du groupe.
La vie reprend le dessus malgré la sensation première du vide dans lequel on pourrait demeurer. Ce vide laisse clairement la place à la méditation, à l'activité et donc à la renaissance et à la vie.
L'autre expérience du vide très différente est celle de Schelechet (Gefallenes Laub) de l'artiste Menashe Kadishman. Il s'agit de marcher sur des "feuilles mortes" en fonte représentant des milliers de visages. C'est une épreuve qui semble insurmontable. Le trouble est permanent. On se sent totalement outré. Le bruit est retentissant. Et progressivement, on se calme, on écoute, et on essaye d'imaginer que le son de ses faces de fonte peut sonner autrement. On cherche à sublimer son désarroi et on entend une musicalité possible, on cherche à vivre, sans jamais oublier ce qui semble impossible ici le passé auquel nous renvoient tous ces visages, on cherche à sur-vivre cette réalité terrifiante et le son nous réveille et nous rappelle à la fragilité de la vie, mais à sa nécessité.
Le jardin des exils est déstabilisant, il donne le vertige, mais on y croise d'autres que soi. Métaphore des difficultés, il fonctionne à l'excès si l'on n'en sort pas. Sa proximité de l'espace urbain hors musée rappelle qu'il faut aussi savoir en sortir. Nos engagements et nos choix peuvent seuls nous permettre de ne pas devenir fous. Le changement constant de place, de sonorité de la ville à côté, la déambulation presque forcée, tout nous épuise. Il faut savoir se fixer, s'arrêter, redresser la tête, regarder devant soi et soudain, on se trouve yeux dans les yeux avec un autre. Et on le découvre ! Certes, les circonstances d'une époque ou d'un lieu peuvent empêcher tout enracinement, mais les oliviers et la lumière jaillissant du haut des stèles nous invitent à nous battre pour croire à la vie.
Le musée juif de Berlin est un lieu à part. Certes, il témoigne des horreurs du passé, mais il ne laisse pas le visiteur effondré. Par les nombreuses expériences concrètes de situations laissant la part à chacun pour sa propre méditation, son propre cheminement, il est un espace de renaissance où chacun s'interroge sur sa propre place et sur son engagement dans la vie.
Le projet musical que nous allons mener avec les jeunes lycéens n'est pas strictement et exclusivement relié à l'holocauste, dont ils ne peuvent à leurs âges pas rendre compte directement. Il y sera question de la part du vide, de l'absence dans leurs vie respectives en lien avec un événement particulièrement important de leur propre vie auquel ils ne peuvent pas se soustraire. Nous verrons avec eux comment la musique peut contribuer à l'expression de ces émotions. Il s'agit de leur faire composer une pièce musicale dans laquelle la densité la plus forte correspondant aux émotions qui nous submergent peut laisser la place à l'évanescence," le presque rien", le vide au sens d'une forme de plénitude et surtout pas de rien du tout.